mercredi 20 mai 2015

Olga

Olga
Fragment 

En écoutant ce mardi 19 mai l'émission d'Emmanuel Laurentin La Fabrique de l'Histoire (France-Culture) consacrée à la Patrimonialisation de l'Histoire et de la Mémoire de l'Esclavage, du local au global* et ses invités Myriam Cottias, Pascal Liévaux et Sarah Abel, j'ai repensé à l'une de mes nouvelles intitulé Olga, composée il y a quelques années,  en attente d'être reprise un jour ou l'autre... 

En voici un fragment :

...Le père d’Olga, quant à lui, menait grand train. Il pouvait se le permettre grâce à la fortune de son épouse. La famille de cette dernière était issue d’une lignée d’armateurs considérablement enrichis de la traite négrière. La splendide demeure rapportée dans la corbeille de la mariée datait du dix-huitième siècle.
Siècle où Nantes, premier port de France, occupa le rang envié de première place négrière d’Europe. Pourtant aucun titre de gloire n’était apposé sur le fronton de la maison pour rappeler qu’elle avait été élevée grâce aux bénéfices rapportés par le commerce des humains. Si la révolution devait amoindrir les richesses de la famille, il en resterait assez pour que les générations successives pussent vivre confortablement et même luxueusement.
Olga, dont les parents ne savaient pas qu’elle furetait dans les archives familiales, avait découvert d’étranges papiers, des lettres échangées entre ses aïeux armateurs et des banquiers.
Les diverses correspondances, soigneusement classées, tournaient autour d’emprunts, de remboursements, de gains chiffrés. Si elle reconstitua le parcours des bateaux marchands qui partant de Nantes, s’arrêtaient aux côtes africaines pour repartir vers les Amériques, elle eut quelque mal à saisir la nature de la marchandise transportée. Et encore moins celle dont il avait fallu se débarrasser lors de la traversée pour cause d’avarie.
“C’était pourtant évident mais mon cerveau bloquait”, raconta-t-elle à Léo. La clarté sans fioritures des descriptifs eut raison de ses résistances. La nausée lui tordit les tripes, déstabilisant son équilibre. Désormais et quoi qu’elle fît, les murs qui l’avait vue naître seraient tendus de peaux humaines.
Elle voulut aborder le sujet avec sa mère. “Quand je lui ai dit qu’il est ignoble de vendre des êtres humains, elle m’a regardé avec des yeux… J’ai compris que c’était peine perdue...” 
©Soumya Ammar Khodja

*Intitulé du Colloque qui se déroulera aux Archives Nationales, les 21 et 22 mai 2015, 
Site de Pierrefitte-sur-Seine
59 rue Guynemer
93380 Pierrefitte-sur-Seine
Métro 13 arrêt Saint Denis Université.


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