Fragment
En écoutant ce mardi 19 mai l'émission d'Emmanuel Laurentin La Fabrique de l'Histoire (France-Culture) consacrée à la Patrimonialisation de l'Histoire et de la Mémoire de l'Esclavage, du local au global* et ses invités Myriam Cottias, Pascal Liévaux et Sarah Abel, j'ai repensé à l'une de mes nouvelles intitulé Olga, composée il y a quelques années, en attente d'être reprise un jour ou l'autre...
En voici un fragment :
...Le
père d’Olga, quant à lui, menait grand train. Il pouvait se le
permettre grâce à la fortune de son épouse. La famille de cette
dernière était issue d’une lignée d’armateurs considérablement
enrichis de la traite négrière. La splendide demeure rapportée
dans la corbeille de la mariée datait du dix-huitième siècle.
Siècle
où Nantes, premier port de France, occupa le rang envié de première
place négrière d’Europe. Pourtant aucun titre de gloire n’était
apposé sur le fronton de la maison pour rappeler qu’elle avait été
élevée grâce aux bénéfices rapportés par le commerce des
humains. Si la révolution devait amoindrir les richesses de la
famille, il en resterait assez pour que les générations successives
pussent vivre confortablement et même luxueusement.
Olga,
dont les parents ne savaient pas qu’elle furetait dans les archives
familiales, avait découvert d’étranges papiers, des lettres
échangées entre ses aïeux armateurs et des banquiers.
Les
diverses correspondances, soigneusement classées, tournaient autour
d’emprunts, de remboursements, de gains chiffrés. Si elle
reconstitua le parcours des bateaux marchands qui partant de Nantes,
s’arrêtaient aux côtes africaines pour repartir vers les
Amériques, elle eut quelque mal à saisir la nature de la
marchandise transportée. Et encore moins celle dont il avait fallu
se débarrasser lors de la traversée pour cause d’avarie.
“C’était
pourtant évident mais mon cerveau bloquait”, raconta-t-elle à
Léo. La clarté sans fioritures des descriptifs eut raison de ses
résistances. La nausée lui tordit les tripes, déstabilisant son
équilibre. Désormais et quoi qu’elle fît, les murs qui l’avait
vue naître seraient tendus de peaux humaines.
Elle
voulut aborder le sujet avec sa mère. “Quand je lui ai dit qu’il
est ignoble de vendre des êtres humains, elle m’a regardé avec
des yeux… J’ai compris que c’était peine perdue...”
©Soumya Ammar Khodja
*Intitulé du Colloque qui se déroulera aux Archives Nationales, les 21 et 22 mai 2015,
Site de Pierrefitte-sur-Seine
59 rue Guynemer
93380 Pierrefitte-sur-Seine
93380 Pierrefitte-sur-Seine
Métro 13 arrêt Saint Denis Université.
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